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Mon chant de la Grand Route

Mon chant de la Grand Route
  • Eté 1990, je prépare mes valises pour vivre une extraordinaire expérience humaine : partir une année en immersion complète dans une famille et un lycée américain. Ce récit est celui de l'adolescent de 16 ans complexé et introverti que j'étais alors.
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26 janvier 2006

Costume de clown et petite boutique des horreurs

Dimanche 19 août 1990 :

Dawn, qui est accessoirement la meilleure amie de Mellinda, est restée dormir à la maison : elle va fêter son anniversaire avec nous. Pour l’occasion, Mellinda lui a préparé un déguisement de clown qu’elle devra porter toute la journée.

Les deux grands frères de Mellinda sont venus à la maison, très certainement pour voir à quoi je ressemblais. Imaginez un peu, un français pour un américain du Middle West, c’est une véritable rencontre du troisième type.

Afin que Dawn puisse se ridiculiser tout au long de cette journée ensoleillée, nous rendons tout d’abord visite à ses parents avant d’aller manger dans le restaurant italien où elle a un job d’été. L’ambiance est bon enfant, et tous font des efforts considérables pour que je comprenne l’essentiel de ce qui se dit, en articulant et en parlant lentement.

Ils me font visiter Saint-Louis et son monument immanquable : l’arche. C’est une haute structure métallique symbolisant la porte de la conquête de l’ouest, et du haut de laquelle on a une très belle vue sur la ville, son stade de baseball (le Bush Stadium) et le Missouri.

Le soir, ils m’emmènent dans un amphithéâtre en plein air où de grands ventilateurs brassent l’air encore très chaud à cette heure là, pour voir une comédie musicale intitulée « The Little Shop of Horror ».  Avant l’ouverture du rideau, un speaker nous invite à nous lever pour entamer l’hymne national. Bluffant…

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26 janvier 2006

Première rencontre, premiers "hugs"

Samedi 18 août 1990 :

J’ai eu l’occasion de correspondre par courrier à quelques reprises avec cette nouvelle famille avant mon départ : Mellinda, 15 ans, est la seule des enfants à vivre encore à la maison, ses frères et sœurs, bien plus âgés, mènent déjà leur vie de couple ailleurs dans la région. Mais je n’avais jamais vu le visage de ma nouvelle famille. Autant le dire tout suite, je ne suis pas tombé fou amoureux de Mellinda. En revanche, son amie qui l’accompagne, prénommée Dawn, est tout à fait charmante.

Le premier contact est surprenant : le père me serre dans ses bras, suivi de la mère et des deux jeunes filles. Plutôt gênant pour moi qui m’apprêtais à serrer des mains et faire des bises. C’est mon baptême du feu en matière de « Hug ». J’y prendrai vite goût par la suite.

On embarque dans leur voiture pour un trajet qui va encore durer une demi-heure. Une demi-heure durant laquelle le dialogue reste très limité : je suis confronté à un accent, un débit de phrasé et un vocabulaire auxquels je n’étais pas habitué. D’où ce leitmotiv que je leur sors durant tout le trajet : « Sorry, I don’t understand what you say »… 

J’espère alors que je m’en sortirai et suis heureux d’avoir plusieurs semaines avant la rentrée scolaire. Du moins, c’est ce que je croyais…

Arrivée en pleine nuit à la maison, je ne fais pas long feu. On me montre ma chambre qui est située dans le « basement », sous-sol aménagé, juste à côté de la salle de télévision et de la buanderie. C’est pas le grand luxe mais je ne vais pas faire le difficile : je vis mon rêve, c’est tout ce qui compte pour le moment.

Après avoir avalé un verre de coca, preuve de mon volonté de me soumettre aux us et coutumes locales, je m’endors rapidement afin de récupérer de ce long voyage : avion, bus et voiture cumulés, j’ai tout de même plus de 18 heures de route derrière moi. Sans compter le décalage horaire…

26 janvier 2006

Le trajet

Samedi 18 août 1990 :

Cette nuit, un autre adolescent est arrivé dans la chambre. On fait rapidement connaissance le matin : il vient d’Allemagne et va vivre la même expérience que nous autres. Au cours du petit déjeuner, par ailleurs bien meilleur que le repas précédent, on réalise que de nombreux autres jeunes, venus d’Allemagne, d’Italie et d’Espagne, nous ont rejoint.

Nous sommes tous conviés à suivre ensuite une réunion d’information dans une salle énorme. Bien entendu celle-ci se tient en anglais et il m’est difficile de rester concentré des heures durant pour comprendre ce qu’il s’y dit réellement. Pour preuve après trois heures, on nous accorde une pause. Pensant que l’entretien était définitivement terminé, je suis remonté en chambre avec un copain pour regarder la télé. Une heure plus tard, une des organisatrices nous a fait comprendre notre erreur.

Après un repas constitué de hot-dogs et de salades diverses, on nous réunit tous une dernière fois durant 1h30. Nous avons ensuite pour consigne de nous diriger vers le bus qui nous a été attribué en fonction de notre destination : certains restent dans la banlieue de Chicago, d’autres vont jusqu’à Kansas City. Pour ma part, je me dirige vers Saint-Louis, Missouri, où ma famille d’accueil m’attend.

Le voyage dure tout de même dix heures ! Une petite pause dîner dans un Burger King nous permet de nous dégourdir les jambes et de goûter aux joies du soda à volonté. A ce sujet, je n’ai toujours pas compris pourquoi ils vous proposent trois tailles de gobelets à des prix différents alors qu’ensuite on peut, à volonté, se resservir à la fontaine de sodas ?! Sur le trajet, nous sommes surpris de voir le drapeau américain flotter au dessus de bâtiments diverses telles les stations essence.

On effectue un autre arrêt dans une bourgade où des familles d’accueil attendent. La responsable de notre groupe appelle alors les étudiants concernés qui descendent un par un retrouver leur nouveau foyer. Comme tous ceux qui restent dans le bus, j’observe, en y allant de mes petits commentaires, les rencontres qui se font à l’extérieur. L’anxiété de retrouver ceux avec qui je vais bientôt vivre quotidiennement se fait de plus en plus vive.

Enfin le soir, nous arrivons dans la banlieue de Saint-Louis où le même scénario que précédemment se reproduit. Mais cette fois c’est le terminus, personne ne restera dans le bus. Alors comme tous les autres mon cœur bât de plus en plus fort, jusqu’au moment où je suis appelé à descendre du bus à mon tour. Derniers « au revoir » et « bonne chance » lancés en français, cette fois je vais entrer pour de bon en immersion totale dans la vie d’une famille et d’un lycée américain.

Les trois marches du bus descendues, je regarde dans la masse et aperçoit une famille brandissant un panneau où il est écrit « Mickey P..... »… Certes le surnom n’est pas de bon goût, mais c’est bien de moi dont il s’agit, aucun doute possible.

26 janvier 2006

L'hôtel

A la sortie de l’avion, un air chaud et humide comme je n’en ai jamais connu me permet de réaliser que je suis en train de mettre le pied sur un tout autre continent. On nous réunit tous avec nos bagages vers un bus qui nous transporte jusqu’à un Hôtel Hilton.

On profite alors jusqu’à la fin de la soirée des joies de la liberté, dans un lieu où l’on peut regarder du baseball à la télé et le dernier Indiana Jones, tout juste sorti sur grand écran chez nous en France.

Le repas du soir nous laisse en revanche une première impression sur la nourriture locale assez mitigée : c’est un buffet où l’on retrouve entre autres sur un même toast du chocolat et des carottes ou encore de la chantilly avec des crevettes. Vraiment bizarre…

Je me retrouve le soir seul dans ma chambre, au calme, pour écrire mes premiers mots à ma famille et mes amis, avec le sourire aux lèvres, heureux d’être ici et anxieux à l’idée d’affronter l’inconnu.

26 janvier 2006

L’envol

Vendredi 17 août 1990 :

Ce matin, au petit déjeuner, je réalise seulement que je ne vais plus revoir ma mère et ma sœur avant un long moment, dix mois exactement. Les nombreux silences accompagnant le petit-déjeuner et les derniers préparatifs sont pesants, angoissants. Quelle épreuve difficile cela a été pour ma mère. Mon insouciance m'a protégé jusqu'alors et je n'ai eu que très peu de temps pour penser aux conséquences d'une telle séparation, fort heureusement.

Je lui fais la bise dans la véranda et part valise à la main avec mon père, chargé de m'accompagner jusqu'à l'aéroport. Je ne me retourne pas.

Dans le train, je reconnais une jeune fille rencontrée lors du week-end de tests organisé à Tours. Je ne sais plus exactement quel était le pourcentage de réussite mais la sélection n'a pas été si simple que cela. Les diverses épreuves passées ont permis aux organisateurs de vérifier le niveau de chaque candidat en anglais et en culture générale, mais également et surtout, de dresser un portrait psychologique de chacun. Les familles américaines qui nous accueillent une année durant le font bénévolement, il est hors de question de leur envoyer un jeune dont le comportement risque de poser des problèmes.

Arrivé à l'aéroport, je retrouve tous les autres exchange students, candidats à l'expatriation, dont la plus jeune à 14 ans. La séparation avec mon père est moins douloureuse que celle de la matinée mais un nouveau pincement au cœur me rappelle l’importance de celle-ci.

J’embarque enfin pour mon baptême de l’air : direction Chicago !

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26 janvier 2006

Janvier 1990, le combat

Désireuse de me faire plaisir, malgré les efforts financiers que cela implique, ma mère me propose de me renseigner pour effectuer cet été un voyage de quelques semaines aux Etats-Unis.

Il faut dire que je suis un grand fan de cet autre continent : j'adore les sports U.S. (je joue notamment au baseball en club), je raffole des séries type HAPPY DAYS ou LES ANNEES COUPS DE CŒUR, et ne vois que par les grosses superproduction hollywoodienne, ce d'autant plus si le film a pour objet un épisode de l'histoire américaine (NE UN 4 JUILLET, GLORY,…). Ces interfaces me permettaient de vivre par procuration quelques instants dans un pays où tout semblait réalisable : une échappatoire au monde qui m'entourait et qui ne pouvait pas être le mien.

J'ai donc délaissé mon Commodore 64 pour écrire à un organisme dénommé AUBERT ERMISSE TOURS dont j'avais remarqué la publicité placardée dans le hall de mon lycée.

Une semaine plus tard, je suis de sorti avec ma classe de français pour voir LE CERCLE DES POETES DISPARUS. Ce fut un électrochoc d'autant plus efficace que ce que je vivais dans mon lycée me semblait alors si proche du carcan éducatif décrit dans le film de Peter WEIR.

J’avais moi aussi envie de changer mon quotidien, de me lever et d’oser réaliser mes souhaits. Ainsi, recevant la brochure du tour opérateur, je vis qu’étaient organisés des voyages d’une année en immersion complète dans une famille et un lycée américain, et compris que je n’avais plus qu’à convaincre mes parents pour réaliser un de mes rêves.

Et bien la chose ne fut pas si simple. Outre l’aspect financier (cela coûtait alors 25.600 francs pour 10 mois), le déchirement qu’une aussi longue séparation peut causer à une maman, a été un obstacle déterminant.

Ma mère rejeta donc violement cette idée et mes pleurs n’y ayant rien changé, je refusa de lui adresser la parole les jours suivants. Cela dura exactement une semaine durant laquelle je me sentais incompris par ma propre mère, je n’avais plus aucune motivation pour poursuivre mes études ; un prisonnier avec pour geôlier une mère que j’adorais mais qui ne comprenait pas ma détresse.

C’est mon père, dont j’étais pourtant moins proche, qui, après avoir consulté le dossier d’inscription, donna son accord pour que je réalise ce voyage. Quel ne fut pas ma joie quand ma mère accéda à son tour à ma demande. Certes j’avais encore un dossier à monter et des tests à passer, mais la machine était en marche et je ne comptais pas la voir si facilement s’arrêter.

26 janvier 2006

Il était une fois, l’introduction

Je m'appelle Michaël, prénom assez difficile à porter à l'âge de 7 ans tandis que les chères têtes blondes qui arpentaient la même cour d'école que moi me surnommaient "MIKA c'est du CACA". Mais que voulez vous y faire, je m'étais déjà autoproclamé non-violent, ce qui  m'arrangeait pleinement de toute manière. Alors je n'avais qu'une seule chose à faire : prendre toutes ces conneries dans la tronche sans broncher.

A 16 ans, ce sobriquet, c'est du passé mais ma tronche, bien évidemment, je l'ai conservée.  Source de nombreux complexes, sur laquelle un orthodontiste bien attentionné m'a greffé un appareil dentaire, je ne l'ai jamais aimée.

Bilan : mes flirts au collège se résumaient à des déclarations griffonnées sur un morceau de papier minable, glissées dans de quelconques bouquins. Une fois le mot découvert, ma timidité m'empêchait de reconnaître publiquement la paternité de ces quelques mots.

Le regard des filles m'émerveillait et me terrifiait à la fois : "Si elle me regarde aussi longuement c'est qu'elle est amoureuse!", "Ne rêve pas, elle doit chercher à comprendre comment l'on peut survivre à des boutons d'acné aussi répugnants…"

Il ne me fallait d'ailleurs pas grande chose pour tomber amoureux : un simple regard appuyé d'un sourire aussi minime soit il.

Cette alliance timidité-complexes m'a empêché de connaître les joies de l'innocent flirt collégien. Ainsi en classe de 5ème, lorsque Charlotte, une petite rousse adorable, me déclara dans le bus être amoureuse de moi, je n'eu pas le courage de lui avouer que j'étais également amoureux d'elle : je l'ai rejetée et ai fondu en larmes plus tard dans ma chambre, conscient de la prison dans laquelle je restai délibérément enfermé.

La seule à m'avoir permis d'en sortir quelques jours durant se prénomme Olivia. Elle était mon flirt de l'été 1989, sur la côte d'azur, avec un premier "vrai" baiser, un soir de pleine lune, allongés sur le sable. Ce n'était certes pas du Marie Laurencin, mais tout de même un tableau d'un romantisme certain. Je lui dois beaucoup car, coincé comme je l'étais, c'est elle qui a pris les devant à chaque stade de notre flirt.

Quelques semaines plus tard, alors que je lui rendais une visite surprise à Paris, elle me brisa le cœur, me faisant comprendre que je n'étais qu'un flirt d'été et que sur place elle avait son copain attitré. La pilule fut difficile a avaler. Rendez-vous compte : c'était l'amour de ma vie!…

Deux étés plus tard, la déception oubliée, je retrouvai avec plaisir la douce jeune fille qui m'avait offert ce si joli plaisir. Aujourd'hui encore, je pense à elle avec beaucoup  de bonheur.

Mon entrée au lycée n'a pas été source de guérison, bien au contraire : en plus du côté cœur, c'est côté cours que j'ai eu de plus en plus de soucis. Je n'aime pas apprendre par cœur, ce qui pose de sérieux problèmes lorsque l'on se trouve face à des professeurs dont l'exigence est à la hauteur des prétentions d'un proviseur élitiste dont le seul souhait est de produire des bacs scientifiques. Heureusement pour moi, la logique c'est mon fort : les maths et les sciences m'ont donc permis de tenir jusqu'alors.

Mais cette année, c'est certain : je suis bien parti pour redoubler ma Première S, au grand désespoir de ma mère. Suite au divorce de mes parents survenu lorsque j’avais 11 ans, c’est elle qui nous a élevé moi et ma jeune sœur, Sarah. Espagnole de naissance, elle est arrivée en France à l’âge de neuf ans et n’a que très peu fréquenté les bancs de l’école. Mais son éducation faite d’amour et d’attention nous a comblé toute notre enfance. Les matins où je devais lui faire signer un carnet de note sur lequel figuraient régulièrement des notes d’anglais ou de français catastrophiques, mon cœur se serrait non pas de peur mais de tristesse à l’idée de la voir ainsi déçue. Quel dur métier que celui d’élever seule ses enfants.

Mes rapports avec ma sœur oscillaient entre la tension et l’indifférence. J’étais très loin d’être le grand frère idéal, trop mal dans ma peau pour être agréable avec les autres. Quant à mon père, il avait épousé une femme méprisable doté d’un orgueil et d’une méchanceté à faire pâlir de jalousie les méchantes de chez Disney. Ainsi les week-ends où nous pouvions le voir, l’ambiance n’était pas forcément au rendez-vous.

Très peu d’amis, quatre jours d’expérience amoureuse, une famille désunie, une scolarité défaillante, introverti au possible et boutonneux à souhait : un piètre bilan pour mes 16 ans…

Heureusement, j’ai de nombreuses étoiles dans la tête. Précisément cinquante étoiles qui vont changer ma vie.

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